Les foires d’Eymoutiers sont très anciennes et l’on sait qu’en 1763, elles étaient réglementées et se tenaient le premier jeudi de chaque mois. Par la suite, une deuxième foire mensuelle a été ajoutée le troisième jeudi. Au début du siècle, elles envahissaient la quasi-totalité de la ville et les lieux se répartissaient suivant le commerce exercé. La vente à l’étable n’existant pas, il fallait amener les animaux à la foire ce qui explique le grand nombre de bêtes de toutes espèces proposées à la vente. Sur la place d’Armes qui a succédé à la place Saint-Psalmet, c’était la foire aux cochons. Les transactions portaient aussi sur les moutons qui étaient rassemblés en bordure de la place et le long de la rue remontant sous l’Hospice, jusqu’au Champ de Foire. Lorsque après de longs palabres, le marché était enfin conclu entre paysans et maquignons, il était de tradition de se taper fort dans la main pour sceller le pacte, le marchand sortant alors son portefeuille bourré d’immenses billets et réglait son achat. Il était indispensable, ensuite, d’aller boire chopine dans les cafés environnants. Autour du foirail, il y avait, placés là avec à propos, de nombreuses buvettes et force restaurants comme chez Courtois (puis Faure), chez Couégnas (puis Chéroux), le célèbre Hôtel du Nord.
Les bovins, de race limousine, se négociaient sur le Champ de Foire qui a été édifié, près de l’Hospice, sur l’emplacement de l’ancien château fort, résidence du Seigneur-Evêque. Plus tard, entre les deux guerres, le lieu sera aménagé de barres métalliques, plus commodes pour attacher les animaux et servant, en dehors des foires, de terrain de jeu pour les gamins du quartier. Des tilleuls viendront ensuite ombrager la place. Ayant perdu sa vocation première, l’endroit ne sert plus désormais que de parking et les fameuses barres seront enlevées en 1984.
La foire était attendue comme une fête par la nombreuse population rurale du canton. Les paysans venaient avec leurs bêtes des villages et des communes voisines, parfois d’une bonne vingtaine de kilomètres et le plus souvent à pied. Les foires d’Eymoutiers ayant été amplifiées par l’arrivée du chemin de fer.
C’est par wagons complets que les moutons, les cochons et les veaux partaient pour Paris ou pour Lyon. La Compagnie envoyait d’ailleurs de Limoges un train supplémentaire spécial.
La foire était un lieu de rencontre privilégié pour écouler les produits de son travail et pour acheter le nécessaire à la vie quotidienne, mais aussi pour apprendre les nouvelles. Les paysans ne quittaient guère leurs terres en dehors de ces occasions, des fêtes patronales et des cérémonies familiales ou religieuses (mariages, enterrements), que pour quelques veillées dans le voisinage. Les charrettes arrivaient souvent depuis la veille et la foule envahissait les auberges et les rues d’Eymoutiers, fournissant un surcroît de travail aux forgerons, charrons et commerçants du bourg.
Le soir, au café de la Poste notamment, le bal animé par le violoneux et le cabrétaire battait son plein et permettait à la jeunesse de faire d’heureuses rencontres … pouvant aller jusqu’au mariage.
La population des campagnes était importante et, en 1904, la commune d’Eymoutiers comptait 4213 habitants, celle de Nedde 2022, celle de Peyrat 2534, celle de Bujaleuf 2388, celle de St Julien-le-Petit 1688. On imagine facilement l’animation et la cohue que pouvait engendrer le rassemblement de la grosse majorité de toutes ces personnes.
Le marché avait lieu le dimanche matin et, bien sûr, les jours de foire. Il se tenait sur la place Notre-Dame, future place Jean Jaurès. L’élément féminin y dominait et les coiffes limousines, bonnets de dentelle, y régnaient sans partage. Ces marchés drainaient, eux aussi, vers Eymoutiers la nombreuse population des villages alentour. Les paysans qui portaient la « blaudo » et le chapeau de feutre rond venaient y faire des achats de toutes sortes et les paysannes y vendaient les produits de la ferme : fruits, légumes, fromages, lapins, volailles, œufs, etc. dont les revenus leur étaient acquis et servaient à couvrir les menues dépenses domestiques, leur domaine réservé. Le marché aux volailles se tenait, quant à lui, sur la place du Chapitre.
Devant la pharmacie Barret, Madame Beauvais tenait un banc et y vendait des « franches » constituées par la caillette des veaux de lait. Cette partie de l’estomac des jeunes ruminants se présentait gonflée comme une vessie. Ces franches avaient la particularité d’être imprégnées de présure servant à faire cailler le lait. Madame Bariaud venait de Saint-Léonard et réparait les éperviers et les araignées pour la pêche. Les maraîchers de Saint-Gilles portaient leurs légumes dans de grands paniers d’osier.
Que reste-t-il de nos jours de ces importantes manifestations ? Voilà de nombreuses années que les foires ont disparu, quelques comices ont bien essayé, par intermittence, de les faire revivre, mais sans succès. Seuls les marchés, que l’on continue à appeler « foires », subsistent les premiers et troisièmes jeudis du mois amenant une animation certaine dans notre cité et connaissent une grande fréquentation en période estivale. Le samedi matin quelques agricultrices et commerçants s’installent et proposent leurs produits sur la place Jean Jaurès, sous la halle ou sur la place d’Armes, perpétuant ainsi cette vieille tradition pelaude.